Chroniques Paumotu Premier épisode

En allant chez Viking

Dimanche matin à l'heure de la messe, j'allais chez Viking. Je venais d'exploser une bouteille de monoï sur la tête de petit Pua. Au pied de la deuxième passerelle verte, la providence s'est incarnée dans un porteur de bonnet. Posé sur un muret. L'homme lisait un petit évangile relié en cuir rouge. Avec une croix d'or sur le cuir rouge. J'identifiais aussi une blessure défensive. Egratignure sans équivoque. Une croix gammée tatouée sur la joue droite. Le lecteur des évangiles n'avait pas eu le choix, il était passé par quatre murs sans fenêtres. C'était comme si il avait un aigle et un serpent sur l'épaule droite. Il devait souvent ruminer sur ce muret.

L'homme au bonnet s'appelait Richard. Il s’apprêtait à repartir pour les Tuamotu. Il était venu faire des courses. Sinon il vivait là-bas au secteur : Rairoa. Ça faisait un moment que j'en entendais parler, de ce secteur. On discuta, et alors l'homme au bonnet dit que j'avais qu'à venir avec lui au secteur, il avait un grand secteur carrément loin du village.

Je pouvais faire quatre tonnes en un mois si j'étais fort. Au prix du coprah, quatre tonnes ça valait vraiment le coup... J'ai dit que j'allais venir, mais pas tout de suite; bientôt. D'abord, j'avais une affaire à régler. Une affaire importante. Il me donna un numéro de vini. On s'est serrés la main avant de se séparer.

Textes et dessins © Jonathan Bougard

Semetua, l'esprit des mamaia

Dans la haute-vallée de Tipaerui, on découvre une société de tradition en péril, société qui préserve sa culture pour survivre en dehors de la modernité, à côté de la modernité. Aujourd’hui les scolaires redécouvrent une nature passée sous le contrôle sévère des services administratifs, une nature dont leurs ancêtres connaissaient tout.

Un documentaire en hommage à Sem Manutahi, Ra'atira et orero du Heiva i Tahiti, décédé en novembre 2017.

Semetua, c’était Sem Manutahi, maître de cérémonie et personnage central de l’association « Tipaerui Valley ». Son rôle dans l'association était de trouver des légendes, et de mettre en place des activités traditionnelles ou des cérémonies, dans la haute vallée de Tipaerui. « Cette vallée elle a une âme, un esprit qu’on respecte toujours quand on vient. Disait-il. Elle est animée par l’esprit des Mamaia. Ces gens qu’on côtoyait rarement, qu’on craignait et qu’on respectait aussi, à l’époque de la royauté. Certains disent que c’étaient des guérisseurs, d’autres disent que c’étaient des voyants. ». Orateur à plusieurs reprises pour des troupes au Heiva dont Nuna’a e Hau en 2017, maître de cérémonie pour l’association, Semetua a fait résonner sa voix à de nombreuses reprises, pour raconter des histoires, protéger une vallée ou tout simplement défendre ses convictions. « Semetua l’esprit des mamaia », portrait d’une personnalité charismatique de la culture polynésienne.

Lorsqu’ils ne vont pas très bien, certains ont tendance à se tourner vers la nature. C’est dans la nature qu’on peut se retrouver, tout y est lié. C’est viscéral. La haute vallée de Tipaerui est un de ces lieux. On y rencontre un groupe de jeunes gens et il se passe vraiment quelque chose. Pas seulement une accumulation de témoignages. Mais l’effort physique et la contemplation des beautés de la nature n’apportent pas que du plaisir. Il faut travailler dur pour avoir un refuge où se retrouver et pouvoir accueillir les amoureux de la nature. S’organiser. Se dépenser sans trop compter.

La vallée de Tipaerui est profonde. Quatre ou cinq kilomètres. Tout à fait à l’entrée il y a le conservatoire artistique, un peu plus loin le quartier Pinai, ensuite la zone industrielle avec ses usines et ses entrepôts. Plus au fond la zone des décharges. La route goudronnée se poursuit jusqu’à un petit pont qui traverse la rivière. On n’est pas encore arrivés au fond, mais à moins d’avoir un bon 4 4 il faut se garer et continuer à pied. Il y a encore quelques habitations isolées jusqu’au radier. Là, un panneau nous signale que l’on entre sur les terres de l’association Tipaerui Valley. Plus bas dans la vallée, les habitants ont surnommé l’endroit le jardin d’éden. Le sentier sinue entre les pamplemoussiers, les citronniers et les auti. Tout est bien entretenu. On arrive au refuge, un bungalow sur pilotis avec de grandes tables et des bancs. On n’est plus dans le monde de la procréation assistée, mais on n’est pas pour autant chez les mormons.

C’est là que Tipaerui Valley accueille les scolaires. Sur les poteaux de bois traités à l’huile de vidange, toute une collection de crânes cloués. Les habitués des lieux sont des chasseurs. Des crânes avec de grands crocs, d’autres avec des cornes. Chèvres et cochons. A côté un fare pote abrite un coin cuisine, un grand four tahitien, une réserve de bûches en prévision des fêtes de fin d’année. On remarque les cabosses du cacaoyer planté en face du refuge. Impossible de passer à côté des chochottes sans y regarder de plus près. Cette liane qui pousse en trois mois donne les plus gros fruits de la passion, gros comme des melons. Romus nous explique que la peau des fruits est excellente sautée à la poêle, ça a un goût très spécial, très doux, très fin. C’est excellent pour accompagner un gigot, assure-t-il. On veut bien le croire. Surtout des citronniers aux environs, mais aussi des mandarines, du café, toutes sortes de bananiers.

Romus est très important pour l’association. C’est un gars qui travaille bien. C’est un jeune qui a été formé par Germain Tehei. Il touche à tout mais il faut que Germain soit là pour le guider. Explique Sem Manutahi, animateur socio-culturel de l’association. C’est très rare les jeunes qui aiment rester tout seul dans la nature. Mais lui il aime. En bas il se sent mal. Dès que possible il remonte dans la vallée. Tout seul dans la brousse avec son grand couteau. Il taille les fougères et autres plantes envahissantes pour donner du soleil aux plantations de bananes. C’est dur le faapu. Il faut aimer ça. Si tu n’aimes pas ça ne va pas aller loin.

Toujours un feu de bourres de coco pour chasser les moustiques, comme aux Tuamotu. Romus Nanaia c’est le gardien des lieux. Comme on a des agrumes qui poussent bien, les gens ont tendance à venir se servir, explique Germain Tehei, le président de l’association. Il a fallu quelqu’un pour garder en permanence. Il y a aussi Tearii, qui a sa cabane cent mètres plus bas. Avant il travaillait en ville et habitait plus bas dans la vallée, dans le quartier Pinai. Il a décidé d’aller vivre dans la nature et ne sort plus de la vallée. Des années qu’il n’a plus mis les pieds en ville. Il y a toujours quelque chose à faire. Planter, nettoyer…

La vallée est ouverte, mais il y a un protocole. Interdit de ramasser les fruits, de laisser des déchets. Interdiction de consommer de l’alcool. Les membres de l’association vous donneront volontiers quelques fruits, mais ils attendent des visiteurs de la vallée qu’ils soient solidaires. Apporter quelque chose en retour pour les gens qui vivent là, que ça soit du riz, du café, le nécessaire… Il y a des gens qui viennent prendre et qui ne donnent rien en retour, ça ne dure qu’un temps.

Germain est un petit homme nerveux. Toujours son bocal de bison dans la main, toujours en mouvement. C’est lui qui gère tout. Il s’assoit un moment pour expliquer la démarche : On est en train de sauver la vallée. C’est-à-dire, embellir encore la vallée. Reboiser. Heureusement j’ai beaucoup de jeunes avec moi. Je les fais travailler, je les nourris, un peu de sous si possible. Les jeunes c’est très difficile à les cadrer. Sur cent jeunes que j’avais depuis, il n’en reste pas beaucoup. Dix actifs. Il y a des jours que je ne peux pas payer à manger. Et quand il n’y a rien hé ben t’oses pas leur dire de venir… Tu comprends ? Parce qu’il y a des jeunes, quand ils ont des problèmes en bas on les fait venir ici. Au lieu d’aller en prison ils viennent ici faire leur peine. Quant ils rentrent chez eux ils ont des fruits. Travaux d’intérêt général. Pas seulement les jeunes, aussi des adultes.

La première fois que je suis venu ici c’était un aimant. Ça m’a attiré sur cette terre qui ne m’appartient pas. Et en vingt-cinq ans on a fait quelque chose de bien. Avec l’aide de la mairie que je remercie pour la convention. Je me sens bien  dans cette vallée mais je le partage avec tout le monde. C’est une vallée ouverte. Il faut respecter les esprits de la vallée. On est rien du tout à côté de la nature. On est juste de passage nous. La terre elle reste.

Germain est un chasseur. Pourquoi la chasse ? Parce que c’est la vie ça. Si tu as pas le poulet, tu as le gibier. Et c’est la première qualité. Uniquement les pièges. Traditionnel. Germain a reçu ce savoir de son grand-père Ataila, un aito (guerrier) de Mataiea. C’est son exemple qui l’a incité  à le faire ici. Parce que j’ai pas de terre. J’ai rien. Explique-t-il avec un grand geste des bras…. J’ai fais mon possible pour avoir une parcelle de la mairie de Papeete. La chasse c’est juste pour se nourrir. Il faut faire attention à ça. On a mis des animaux en liberté mais ça c’est régulé. C’est très important pour nous parce qu’on ne peut pas se payer du poulet tous les jours. Germain et ses travailleurs ont mis en place trois troupeaux de chèvres qui vivent en liberté tout au fond de la vallée. Et des cochons semi-sauvages. Ils viennent de clôturer un vaste parc qui accueillera bientôt d’autres chèvres, pour répondre à la demande des habitants de la vallée, obligés de commander la viande de chèvre dont ils sont friands aux Marquises, et de payer le fret…

C’est le soir que les animaux descendent. Aujourd’hui c’est Romus le champion pour attraper les cochons sauvages sur les pièges. Germain Tehei lui a transmis ce savoir hérité de son grand-père. Maintenant c’est Romus qui s’occupe de tout ça. Mettre en place les pièges, là où il faut, pas n’importe où. Bien observer, sentir aussi si le cochon passe par là. Romus a perfectionné le modèle de piège. 

Un système imparable, quelques tiges de bois, une cordelette et un bout de caoutchouc. Une fois le cochon sur le piège, il y a plusieurs options. On peut l’immobiliser en lui passant un nœud coulant autour de la tête et lui attacher les pattes, si on veut le ramener vivant. Les gros cochons avec les dents qui sortent, il vaut mieux les immobiliser à l’aide de deux bâtons et tout de suite leur piquer le cœur d’un coup de grand couteau. 

Un coup de croc est vite arrivé. L’avantage du piège par rapport à la chasse avec les chiens, c’est qu’on peut choisir son gibier. Romus relâchera par exemple une femelle pleine où qui allaite des petits. Les chiens tuent tout, petits, femelles… Le piège est plus efficace. Tous les soirs il faut aller faire la ronde des pièges que tu as posés, pour éviter qu’un animal ne meure sur place.

Ça fait cinq ans qu’on accueille un peu toutes les écoles de Tahiti. On leur fait des ateliers, découvrir la nature. Planter. J’appelle ça une assurance vie pour nous. On va presque à mille mètres, on plante des oranges, des litchis… Quand il n’y a pas de travail il faut aller chercher les oranges. Pour pouvoir vendre. Les ancêtres ils faisaient ça eux, qu’on a perdu… On essaie un peu de revenir comme les ancêtres, mais pas n’importe comment, hein…

Dans toutes les associations je crois qu’il y a des gens qui sont compétents pour ça. Nous apprendre les légendes. Ça on nous a pas laissé c’est nos grands-pères. On essaye de préserver ça le plus longtemps possible. C’est notre lune à nous.

Sem Manutahi est animateur socio-culturel de l’association Tipaerui Valley depuis plus de vingt ans. Il a fait un break avec eux parce qu’il devait travailler. Ça fait huit ans qu’il est revenu. Son rôle consiste à trouver des légendes, mettre en place des activités traditionnelles, que ça soit culinaire où des cérémonies comme mataarii i nia, remercier la mère-terre pendant la saison de l’abondance, parce que tout ça ne pousse pas sur des cailloux. Dit-il en embrassant la vallée du geste. On l’appelle Semetua, nous dit Romus, à propos de Sem. Pourquoi on l’appelle comme ça ? Il connait beaucoup de choses. C’est un peu notre prêtre.

Au départ, avant de devenir membres de cette association Tipaerui Valley, on a d’abord vécu une histoire très importante. L’histoire du dépotoir à ciel ouvert qu’on a vécu pendant quarante ans si c’est pas plus dans la vallée de Tipaerui. A l’époque de nos grands-parents il y avait un dépotoir à ciel ouvert qui appartenait à la commune de Papeete. C’est devenu le dépotoir de toutes les communes associées, c’est-à-dire toute la Polynésie. Même l’hôpital de Mamao emmenait tous ses déchets. C’était aussi l’époque où il y avait encore le CEP. Un jour nos parents ont décidé d’arrêter tout ça. Après monsieur Auroy est devenu propriétaire de la société Tamaraa Nui, qui a mit en place un incinérateur de déchets dans la vallée. Ça a encore empiré et la population de la vallée a dit stop à tout ça à travers l’association Vai Ti Tarava. Nous les jeunes on a fait que de les suivre. C’est-à-dire de mettre en place des barrages. En plus en France les députés avaient voté une loi comme quoi il est strictement interdit de mettre en place des incinérateurs dans les vallées.

Au fond de la vallée, rencontre avec Jean-Luc Depierre, président de l’association Vai Ti Tarava No Tipaerui. Cette association est née dans les années quatre-vingt-dix. En venant ici on a traversé la zone des décharges, où s’était installée une usine d’incinération qui s’appelait Tamara Nui, ce qui veut dire le grand nettoyage. Cette usine brûlait les ordures ménagères, les papiers, les cartons, les alus, les boites de conserve, les plastiques, les déchets verts, les déchets hospitaliers, les cadavres d’animaux et les huiles usées. Tout ça était brûlé dans cet incinérateur. Jour et nuit les fumées envahissaient toute la vallée. Le soir, poussée par le vent qui descend de la montagne, toute cette fumée s’infiltrait dans les maisons. Les enfants étaient oppressés par l’asthme, les papis et les mamies toussaient, les yeux piquaient, tout le monde était malade de toute cette fumée. Donc les habitants de Tipaerui se sont levés et ont créé l’association Vai Ti Tarava, du nom d’un bain dans lequel on baignait les bébés. C’est dire comme l’eau était propre à ce moment-là. Le but de l’association était une vallée propre, saine, où il fait bon vivre et dormir aussi.

Vai Ti Tarava a fait des propositions comme le tri des déchets, en 1997. Tipaerui Valley n’existait pas encore, mais ils étaient partie prenante dans l’association Vai Ti Tarava, qui a réussi à faire se lever toute la population de la vallée. Les 3500 habitants ont fait des marches pacifiques, signé des pétitions et mis en place des barrages. Toute la population de Tipaerui a affronté les CRS… C’est devenu très chaud, mais devant la détermination des habitants et l’aide de certains maires, l’usine Tamara Nui s’arrêta pour toujours. Si on espère que les choses bougent, ce n’est pas en se tournant vers les politiques qu’il faut mener les actions, c’est en sensibilisant les gens aux dangers que leurs font encourir certaines situations qu’on aboutira à un mouvement réel.

Du coup, le système du tri des déchets s’est mit en place à cette époque, sous l’impulsion de Vai Ti Tarava, jusqu’à désigner l’endroit du centre de tri à Motu Uta, ce qui facilitait la réexpédition des recyclables. Peu de temps après une nouvelle association est née. Tipaerui Valley ouvrait aux jeunes de Tipaerui l’espoir d’une vallée fraiche, calme et nourricière. Aujourd’hui Tipaerui Valley a planté des arbres fruitiers. Et tout ça avec les enfants des écoles de Papeete d’abord. On peut protéger la vallée. Quand les enfants viennent tout ce qu’il faut faire c’est planter, après faire un suivi. Si tu peux faire ça deux fois par semaine c’est beaucoup. C’est la devise de nos grands-parents : tu plantes un bananier par jour. On ne te demande pas de venir planter dix. Explique Sem Manutahi. Moi je suis bien dans la vallée. Pas de pollution, pas de bruit, on entend les animaux, les coqs, la rivière et tous les oiseaux.

Les membres de l’association sont de divers horizons. La moitié sont des étrangers. Ce sont des gens qui aiment la nature. Faire des randonnées dans la vallée. Tipaerui Valley essaye aussi d’éradiquer les miconias et les orchidées du Gabon qui nuisent aux plantes endémiques. On a aussi planté du bois sacré, le miro, le tau, parce que dans l’avenir on aura besoin pour fournir nos sculpteurs. Et les fruits on ne vend pas. Chaque membre a droit à son quota de fruits. On échange les fruits contre du poisson par exemple. Où du gibier contre du sucre, du café, du riz. C’est surtout pour se nourrir. Ce n’est pas pour s’enrichir qu’on est là, c’est surtout pour se sentir bien.

Cette vallée elle a une âme, un esprit qu’on respecte toujours quand on vient. Cette vallée elle est animée par l’esprit des Mamaia. Ces gens qu’on côtoyait rarement, qu’on craignait et qu’on respectait aussi, à l’époque de la royauté. Certains disent que c’étaient des guérisseurs, d’autres disent que c’étaient des voyants. Pour moi le dernier des mamaia c’est monsieur Tiurai, le grand prêtre qui a été enterré à la pointe des pêcheurs. Il arrivait à comprendre et à guérir tous ceux qui venaient chez lui chercher la guérison. C’est comme l’histoire d’un chinois qui avait tellement tout. Un jour il est tombé malade, il a été voir tous les docteurs, personne n’arrivait à la guérir. Il est partit voir Tuirai. Tuirai lui a dit tous les jours tu tues un cochon tu emmènes un cochon pendant cinq jours, tu vas être guéri après. Tuirai il vivait dans une petite cabane de niau au bord de la route, il attachait devant ses morceaux de cochon, il laissait suspendre comme un paquet de poissons, et il donnait les morceaux de cochon aux gens qui venaient le voir. Le chinois n’était pas content, il a demandé comment ça se faisait qu’il donnait ses cochons. Tuirai lui a répondu que c’était ça sa maladie, il était malade parce qu’il ne donnait rien. Si tu donnes un peu, tu reçois aussi un peu… C’est comme ça que le chinois a été guérit. (Sem Manutahi).

Les mamaia c’était une secte de personnes qui arrivaient à prédire l’avenir. Ils arrivaient à voyager. Le corps peut être là mais l’esprit peut être ailleurs. Pour ne pas se faire tuer par le roi Pomare qui avait ordonné d’éliminer tous les mamaias, ils sont venus se cacher dans les vallées. Pendant leur fuite, certains mamaias ont résidé ici, au fond de la vallée de Tipaerui. Ils sont restés là parce qu’à cette époque il y avait plein d’arbres fruitiers dans cette vallée, des goyaves, des papayes, des bananes, des pakai…

Sem Manutahi a eu la chance de côtoyer les grands de l’art oratoire : Raymond Graffe, John Mairai, Rafio, papa Matarau, Gérard Cowan, Henri Hiro. 

Henri Hiro c’est le maître à penser, le leadership de tout ça. Te Maeva et Heikura Nui c’était les grands groupes à cette époque qui s’affrontaient au Heiva pour le premier prix.  Quand tu invoques tu es dans l’art oratoire. 

Sem Manutahi s’est spécialisé dans la transmission de l’art oratoire. Il y a une ligne rouge. De l’autre côté c’est un autre monde. C’est plus pareil. Tu es obligé de jeuner, d’aller dans la vallée, de rester, de ne plus faire l’amour, plus manger n’importe quoi… Il y a des règles très fortes à respecter. Il y en a qui arrivent à le faire bien. Moi je fais juste ma sauce à moi, précise Sem. 

Je viens m’entrainer ici dans la vallée pour travailler la voix. Les façons de poser les temps forts de ton orero. Depuis quinze ans Sem Manutahi travaille avec les grands ballets de Teiki Lorenzo. 

C’est ici mon bureau dans la vallée. Là-haut on a un plateau où phoniquement c’est magnifique. La base de tout c’est le respect et l’humilité. Tu as ça en toi, c’est sûr que tu passes partout.

Il faut vivre le présent. Il n’y a pas de paradis dans le ciel. La culture pour moi c’est un tout. Ce n’est pas seulement la danse où l’art oratoire, c’est un tout. Il y a l’environnement, il y a l’art culinaire, le vivre ensemble, faire un tour aussi dans la vallée, débrousser un peu son terrain, voir son voisin, donner un coup de main, partager. La culture polynésienne c’est un art de vivre aussi. Quand tu viens dans la vallée, une fois que tu es arrivé au refuge, c’est un peu l’esprit des anciens. Avec des règles intérieures. Il y a les anciens qui sont là qui guident tout le monde.

La journée de vendredi est réservée à l’école Henri Hiro. Une journée connaissance de la nature. Ecole ouverte avec des spécialistes qui viennent animer des ateliers sur la biodiversité. L’association s’occupe surtout de faire planter les jeunes. Sensibiliser les jeunes à la protection de l’environnement, pour éviter qu’ils viennent polluer dans la vallée. Et la rivière. Leur expliquer qu’il ne faut pas massacrer les chevrettes. L’association utilise des chevrettes juste pour la fermentation du mitihue. (Sauce pour accompagner le poisson).

Précédés par Sem Manutahi le maître de cérémonie, une centaine de jeunes entre treize et quinze ans arrive au refuge, accueillis au son des pahu et du toere. Après un bref discours, tout le monde continue son chemin jusqu’au premier faapu, cinq cent mètres plus haut dans la vallée. Ils vont planter des citronniers et suivre des ateliers. Les jeunes s’accroupissent et entonnent un himene. (Chant tahitien). Pas besoin de planter des milliers, explique Sem, parce que ça va grandir… Cris de joie des enfants… Les membres de l’association manient les barres à mine, les collégiens mettent les plantes en terre. La troupe est en effervescence et les cris de joie résonnent dans la vallée.

Le geste fait, place aux ateliers, beaucoup d’ateliers. Hereia Helme fait connaître les anguilles aux enfants. Dans toute la Polynésie nous avons trois espèces d’anguilles : l’anguille marbrée, l’anguille à oreilles où l’anguille de montagne, puhi moua, que l’on retrouve plus en haute vallée. Ensuite nous avons l’anguille de vase que l’on trouve plus en eaux stagnantes, c’est-à-dire en embouchure. C’est la première fois que la jeune femme vient dans la vallée de Tipaerui. Doctorante en biologie, elle fait une thèse sur l’impact des barrages hydroélectriques de la vallée de Papeeno sur la vie des anguilles. Il y a construction de barrages, de centrales, et comme l’anguille se reproduit en mer et fait sa croissance en rivière, forcément s’il y a un obstacle au milieu elle ne peut pas accomplir son cycle de vie...

Matthieu Aureau est hydrologue, il étudie l’eau qui s’écoule à partir de la pluie dans les rivières et aussi dans le sol. Pour essayer de comprendre le cycle de l’eau à l’échelle d’un bassin-versant ou d’une vallée. Avec des usages qui peuvent êtres divers : ça peut être pour de l’alimentation en eau potable, pour préserver un écosystème, pour produire de l’hydroélectricité. Il y a aussi des applications plus liées à l’aval de la vallée : il faut comprendre le cycle de l’eau dans les vallées pour mieux protéger les habitations contre les aléas des inondations. 

Matthieu Aureau travaille sur toutes les vallées des îles hautes polynésiennes. Il habite un peu plus haut dans la vallée de Tipaerui et s’y est attaché. Il a saisit cette occasion de faire comprendre aux enfants l’importance de préserver la qualité de l’eau. Autrefois les polynésiens avaient une relation très privilégiée avec la rivière. Ils savaient que c’est une source de vie dans tous ses aspects : pour se laver, pour se soigner, et ils protégeaient vraiment cette ressource. Le développement de la vie d’aujourd’hui et le fait d’ouvrir le robinet fait qu’on perd un peu ça. On a l’impression que l’eau est tout le temps là, mais non, elle vient toujours de la vallée. Il faut amener les nouvelles générations à retrouver leur lien avec la rivière.

Pour m’accueillir dans leur vallée, les membres du clan avaient tenu à mettre en place une cérémonie. Dans la rivière. Avec invocations et branches de auti. Une sorte de baptême pour me purifier. Faire table rase du passé et me donner un nom tahitien. Le lendemain un papillon est venu se poser sur ma tête. Pour Sem Manutahi, c’est l’esprit des mamaia qui est venu me rendre visite.

La bande-annonce du film ici : 

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Jonathan Bougard

Semetua, l'esprit des mamaia

Une production In Vivo Prod 2018 45'

Miguel Hunt et Vaiere Mara, entretien avec Miriama Bono

Miguel Hunt et l'oeuvre de Vaiere Mara

Entretien avec Miriama Bono, réalisé au Musée de Tahiti et des îles le 23 février 2018

Avant tout, tu as bien connu Miguel Hunt… C’était qui, Miguel Hunt ?

Miguel c’était une énigme… C’était un artiste argentin. Alors moi je l’ai rencontré à l’atelier du Méridien en 2008. Il venait juste d’arriver avec sa compagne Elodie. A l’époque ils ne savaient pas encore si ils allaient rester en Polynésie, ils étaient plutôt à la recherche de contacts notamment artistiques. Tout de suite il m’a plût. Miguel il avait une belle personnalité, c’était une belle personne. Quelqu’un de très expansif, très généreux, très drôle aussi, il avait beaucoup d’humour… J’ai rapidement aussi été très touchée par sa démarche, parce que c’était quelqu’un de très curieux, il avait un côté touche à tout, on aurait dit un enfant qui avait envie d’expérimenter plein de choses. Ensuite j’ai appris à le connaître et à travailler avec lui d’un point de vue artistique, puisqu’il a assez vite intégré l’atelier des artistes du Méridien… C’était quelqu’un qui avait un grand talent et beaucoup de choses à donner, qui bouillonnait d’envies et d’idées… Vraiment un être passionnant et très touchant.

Miguel Hunt à l'Art en fusion, centre Vaima

Oeuvres de Miguel Hunt

D’accord. Est-ce qu’il t’a parlé un peu de sa vie avant Tahiti ? Parce que c’est assez mystérieux…

C’est pour ça que je disais que c’est une énigme, oui. En fait j’avais des bribes, je savais qu’il a travaillé dans le bâtiment, d’ailleurs ça se sentait dans sa pratique artistique, parce qu’il y avait souvent beaucoup de ciment, beaucoup de mortier, beaucoup de fers à souder… Mais c’est vrai que j’en savais assez peu. Je crois qu’il y avait un côté mystérieux là-dessus, j’ai découvert au fil des conversations des bribes sur sa vie privée, qu’il avait eu une galerie auparavant, qu’il avait des enfants… Mais c’était toujours par bribes et pas toujours très cohérent non plus, ça fait aussi partie de son personnage. Je pense qu’il y a des choses que Miguel sur sa vie privée n’avait pas forcément envie de partager. Chacun à sa vie privée, quelque part ça ne me regardait pas. Et puis ça ne l’empêchait pas d’être un être extrêmement intéressant. Donc je n’ai jamais vraiment creusé. Voilà.

Coraux de Vaiere Mara

On peut dire que c’est Miguel qui a redécouvert, on peut dire redécouvert parce qu’on l’avait complètement oublié, Mara.

Oui, je ne sais pas comment il l’avait trouvé, en même temps comme c’était quelqu’un d’extrêmement curieux… La première fois qu’il m’en a parlé c’était dans sa galerie au centre Vaima. Je le croise, on discute et il m’attrape, comme faisait souvent Miguel, il me dit il faut absolument que je te montre quelque chose, et il me montre deux ou trois pièces de Mara. Moi je connaissais, comme beaucoup de polynésiens, l’œuvre de Mara sans savoir que c’était la sienne. J’avais vu dans les bijouteries les bustes en corail, à une époque c’est vrai que c’était très à la mode et qu’on en voyait quand même un certain nombre… J’avais vu aussi une pièce en bois. Mais je ne connaissais pas l’artiste beaucoup plus que ça. Et il se trouve que la seconde fois où j’ai croisé Miguel j’étais accompagnée de Manouche Lehartel, qui elle connaissait l’œuvre de Mara et lui avait même acheté quand elle était beaucoup plus jeune une pièce. En fait il était au bord de la route avec ses sculptures et elle s’était arrêtée, elle avait trouvé ça très beau et elle lui en avait acheté une… Elle s’était intéressée à l’artiste. Et au fur et à mesure de mes visites qui n’étaient pas très fréquentes, je devais voir Miguel quand il était dans sa galerie tous les trois ou quatre mois, à chaque fois il avait de nouvelles pièces de Mara et on sentait que ça devenait une vraie passion. Il recherchait les œuvres, il recherchait les témoignages de gens qui l’avaient connu où avaient pu le croiser. Connaissant Miguel, son côté curieux et puis aussi un peu enfantin, l’approche de Mara devait beaucoup le toucher parce qu’il y a d’abord le côté autodidacte, Miguel se considérait aussi comme un artiste autodidacte et était touché par ça, comme moi aussi un petit peu d’ailleurs… Je pense que ça devait beaucoup lui parler. Et puis ce côté foisonnant, un petit peu touche à tout, beaucoup de choses qui devaient résonner par rapport à l’œuvre de Miguel et à sa recherche personnelle. Le côté un petit peu mystérieux aussi qu’il y a dans l’œuvre de Mara, et le fait qu’il y ait autant de pièces qui sont à la fois des pièces qui peuvent être liées à de l’artisanat, je pense notamment aux pièces de corail qui sont des pièces de commande pour des bijouteries, et d’autres pièces qui sont beaucoup plus volumineuses, où on sent l’intention de l’artiste, aussi le travail avec le bois, avec ce que le bois va entraîner, donc une vraie recherche artistique. Tout ça devait être des choses qui devaient parler à la personnalité de Miguel. Ce qui explique cette passion, à la fin presque cette obsession qu’il avait pour l’œuvre de Mara. Qui était très touchante d’ailleurs.

C’est vrai qu’il avait été jusqu’à faire des fac-similés du livre de Patrick O Reilly, parce qu’il avait découvert Mara par le livre…

Oui c’est ce qu’il m’avait dit.

Il avait fait des fac-similés sur papier glacé qu’il allait distribuer à l’assemblée, il prenait des rendez-vous avec tout le monde et il trouvait beaucoup de portes fermées… En fait Mara était très sous-estimé…

Ça je ne sais pas. A l’époque je travaillais également au ministère de la culture, donc il m’avait demandé de rencontrer le ministre de la culture qui l’avait reçu et qui trouvait en effet que le projet était intéressant, c’était d’ailleurs lui qui avait ensuite demandé à la directrice du Musée d’envisager une ouverture, qu’il puisse y avoir une exposition des œuvres de Mara. Comme je le disais tout à l’heure il se trouve que cette demande avait une oreille attentive en la personne de Manouche Lehartel qui elle aussi a été directrice du Musée, puisqu’elle connaissait l’œuvre de Mara. De la même façon le ministre de la culture son père avait un Mara également. Je sais que tous les deux en tout cas connaissaient l’œuvre et n’étaient pas du tout fermés à la discussion. Par contre c’est vrai que ce qui semblait compliqué et ce qui semble toujours compliqué c’est que justement en fait il n’y a pas vraiment d’inventaire ou de connaissance de l’œuvre de Mara. Donc on ne sait pas combien d’œuvres ça pourrait représenter. Et puis il y a aussi quelque part la distinction qui doit être faite nécessairement entre ce qui est une production artistique comme je le disais tout à l’heure, et puis ce qui est plus une production de commande ou artisanale, qui n’est pas péjorative en soit, mais ce n’est pas le même travail. Et puis aussi je me rappelle que lors de discussions qu’il y avait eu entre le ministre et Miguel, il était aussi question de faire la distinction entre les œuvres produites par Mara père et celles qui sont produites par Mara fils. Là aussi on n’est pas forcément dans la même production ni dans la même démarche. La discussion se posait plus là-dessus mais pas du tout sur l’opportunité d’une exposition. Après je ne sais pas, Miguel ne m’a pas parlé des autres rencontres qu’il avait eu avec des gens de l’assemblé ou autres… Mais je sais qu’au niveau du ministère de la culture il n’avait pas du tout été question de fermer les portes, bien au contraire. Le départ de Miguel a un petit peu mit le projet d’exposition en standby, mais ce n’est qu’une pause en fait. Le Musée de Tahiti n’est pas du tout fermé à montrer l’œuvre de Mara, mais c’est sûr qu’il y a des recherches complémentaires qui doivent être faites dessus, ne serait-ce que pour peut-être évaluer des périodes. Enfin voilà, mais c’est pour le coup un artiste à découvrir, moi en tout cas, sur le plan personnel, ne serait-ce que par amitié et par respect pour l’engagement de Miguel Hunt, c’est vrai que c’est quelque chose qui me tient à cœur également. Bon il se trouve qu’entre-temps je suis devenue directrice du Musée des îles, donc tout cela est plutôt favorable pour une exposition. Mais ça va au-delà de ça. L’œuvre de Mara elle ne touchait pas que Miguel, d’autres personnes avaient acquis des pièces, et d’ailleurs quand on voit aujourd’hui après le travail d’inventaire qui a été commencé, toutes les œuvres qui arrivent et qui sont montrées, on se rend compte qu’en fait l’œuvre de Mara elle est dans le quotidien de beaucoup de polynésiens, des gens qui à priori n’achètent peut-être pas d’œuvres d’art mais qui avaient acheté des œuvres de Mara.

Bois de Vaiere Mara

Beaucoup de collectionneurs aussi… Mais pour revenir à Miguel et l’exposition il avait bien obtenu une date, l’ancienne directrice du Musée m’avait envoyé le mail en copie mais j’étais là quand il avait reçu le mail, et il était furieux que la date soit en juillet. C’est ça qui l’avait mis en rogne. Pour lui il n’y a personne à Tahiti en juillet…

C’est une erreur de mon point de vue, mais bon ça c’est quelque chose d’assez récurent, le Musée a aussi ses contraintes, nous on n’est pas une galerie, on a nos contraintes propres et d’autres expositions qui sont programmées, il se trouve que la salle d’exposition temporaire c’est une des rares salles qui peut réunir les conditions d’expositions adéquates, il y a énormément de gens qui demandent à pouvoir faire des expositions, en général elles sont refusées… On refuse par exemple les expositions personnelles d’artistes. On n’accepte que les expositions collectives d’art contemporain et encore il n’y en a que deux qui s’y tiennent par an, donc voilà… C’est pas pour dire que c’était une faveur mais pouvoir exposer l’intégralité de l’œuvre de Mara, il n’y avait que pour Bobby que ça avait été fait auparavant. Donc voilà, il n’était pas du tout question de dénigrer l’œuvre et il faut savoir qu’en général le programme d’exposition du Musée est bouclé deux ans à l’avance parce qu’il y a des contraintes d’expositions propres au Musée, c’est-à-dire qu’on présente les collections du Musée mais aussi par exemple on vient d’accueillir une exposition qui était prêtée par le Musée du quai Branly. Ce sont des expositions qui se préparent deux ans à l’avance, donc on n’a pas une grande flexibilité, c’est certainement la différence qu’il y a entre cette salle et la salle Muri Avai par exemple, ou une galerie privée. Donc je pense que la date qui lui avait été proposée c’était aussi en fonction des disponibilités. Ce n’est pas toujours évident de trouver des dates adéquates. Ceci étant, juillet, quand on regarde les chiffres de fréquentation c’est pas du tout une mauvaise période en fait… Parce qu’on a beaucoup de visiteurs extérieurs, des touristes je veux dire, et aussi tous les gens qui viennent avec leur famille, ceux qui accueillent de la famille de métropole par exemple, et qui donc leur font visiter le Musée parce que normalement c’est censé être le lieu de la culture polynésienne. Donc en fait juillet c’est un des mois les plus actifs du Musée de Tahiti et des îles, hein… Voilà.

Quelle importance tu lui donnerais dans la production artistique polynésienne, à Mara ?

Je pense que c’est difficile à évaluer, ça serait intéressant de poser la question à des sculpteurs déjà. Moi personnellement ce qui me touche beaucoup dans l’œuvre de Mara c’est plus son œuvre sur bois que sur corail, j’avoue que je suis extrêmement sensible à son utilisation un petit peu brute de la nature. Après savoir quelle est son influence directe ou indirecte sur la production artistique polynésienne, c’est difficile à dire et c’est justement l’intérêt de faire une exposition majeure de ses œuvres. Parce que pouvoir présenter l’intégralité de l’œuvre d’un artiste c’est aussi pouvoir poser un regard sur l’intégralité de sa production, et voir aussi après quelles sont les influences et les découlements possibles ou pas. Dans l’état actuel des choses c’est vrai que ça reste difficile à évaluer et que ça serait intéressant de poser la question à des sculpteurs. Déjà pour voir s’ils connaissent l’œuvre de Mara et savoir si derrière c’est une influence pour eux ou pas.

Tu parlais d’une rétrospective de la totalité de l’œuvre, là on est quand même en présence de quelqu’un qui a produit pendant cinquante ans. Qui a commencé à travailler comme sculpteur professionnellement à dix-huit ans et qui d’après ses enfants pouvait faire cinquante pièces par semaine quand il était inspiré… Des milliers d’œuvres, donc c’est un travail de recherches qui pourrait durer des décennies…

C’est ça. Je pense que c’est d’ailleurs la difficulté qui avait été évoquée avec Miguel. Dans l’état actuel des choses, en tout cas aujourd’hui, même si un travail a été entreprit pour faire un recensement, demander aux différents collectionneurs leurs œuvres, ça sera sur du très long terme en fait, le temps que chacun puisse déjà se joindre à cette démarche… Ça n’empêche pas de faire une exposition qui peut être une première et d’en faire d’autres ensuite, d’autant plus que si en effet il y a mille œuvres ça va être difficile quand même d’en exposer mille, il faut aussi derrière… De toute façon c’est comme toute les expositions artistiques à un moment il faut quand même qu’il y ait un tri qui soit fait, il y a toujours des pièces qui sont plus majeures que d’autres, qui sont plus importantes, il y en a qui peuvent être des déclinaisons donc ça c’est le travail qui reste à entreprendre. Au-delà du recensement de l’œuvre la scénographie d’une exposition c’est encore autre chose qui n’est pas un petit travail puisqu’il s’agit de mettre en valeur le travail de l’artiste, de pouvoir en plus sans avoir la participation de l’artiste, peut-être classifier les choses de façon cohérente de manière à montrer où une évolution où différentes thématiques. Mara sculptait à la fois des sujets d’ordre religieux qui devaient probablement être j’imagine des œuvres de commande et  des choses beaucoup plus libres, il y en a qui sont plus travaillées que d’autres dans le sens où il y a plus de personnages où moins de personnages… Après ça c’est le travail du commissaire d’exposition de mettre en lumière tout ça. Mais c’est sûr qu’exposer mille pièces d’un coup ça risque quand même d’être compliqué et pas forcément pertinent non plus. Voilà, je pense que ça sera difficile d’avoir toute l’œuvre de Mara d’un seul tenant, et de pouvoir la réunir en entier en une seule fois.

Apparemment il y aurait de ses œuvres dans les collections publiques. Est-ce qu’il y a une liste quelque part ?

Alors le Musée de Tahiti a deux ou trois Mara dans ses collections, il me semble deux en bois et un en corail. Nous on connaît l’inventaire de notre fonds mais après quand tu parles d’institutions publiques je ne vois pas quelles autres…

Par exemple j’en ai retrouvé un dans un bâtiment qui appartient à je sais plus quel ministère, le tourisme je crois, il y a une grande plaque au mur, j’ai demandé au responsable du service qui m’a dit que ça appartenait au ministère et qu’il signerait volontiers une convention pour le prêter…

D’accord… Bon beaucoup d’artistes, c’est le cas de Bobby notamment faisaient aussi des commandes pour les établissements publics où pour les ministères… Mais moi en dehors des trois qui sont dans les collections du Musée je n’ai pas connaissance d’autres œuvres puisque ensuite c’est chaque ministère ou chaque service qui achète directement ses œuvres. Donc tout comme vous venez de lancer un appel auprès des collectionneurs privés il faudrait lancer un appel auprès des collectivités publiques mais j’imagine qu’il ne doit y en avoir tant que ça non plus parce que l’achat d’œuvres reste quand même assez marginal dans les établissements et les services publics, à part évidement au Musée ou au service de la culture et dans les ministères du tourisme, de la culture et de l’environnement. A l’environnement et à la culture je sais qu’à part chez nous il n’y a pas de pièces de Mara qui ont été recensées, à ma connaissance il n’y en a pas non plus dans l’inventaire de la maison de la culture. Bon c’est une information qui reste à vérifier mais comme ça, ayant déjà vu l’inventaire il ne m’a pas semblé y voir de pièce de Mara mais c’est possible, c’est une chose qu’il faut vérifier avec la maison de la culture…

à suivre...