jeudi 4 janvier 2024

La longue attente de l'ange

Jean-Luc Bousquet en pleine forme

Jean-Luc Bousquet nait à Anthony en banlieue parisienne le 4 septembre 1961 (le même jour qu'Antonin Artaud.) Bousquet parle souvent d’Artaud. ‘’Artaud c'est pas un travail, c'est un personnage’’. Un être qui vivait totalement son expression. Un autre sens à l'humain que celui que la société propose. 
Jean-Luc Bousquet au travail

Un autre sens à l'humain

Il y a un événement fondateur dans la personnalité de l'artiste Bousquet, qui explique en partie cette nécessité d'être en dehors du monde et cette volonté d'exprimer. Dans sa petite enfance, à l'âge de un an, Bousquet est victime de ce qu'on appelle aujourd'hui un accident domestique : il se renverse une casserole d'eau bouillante sur le visage. A l'hôpital, on le plâtre et on l'attache dans une cage stérile pour ne pas qu'il se gratte ses plaies. Coupé du monde, l'enfant subit une régression formidable. Cet événement fera de Bousquet un homme très intériorisé, timide. Un enfant qui s'exprime beaucoup plus par le dessin que par la parole. 

Bousquet s'acharne sur les petites touches

Coupé du monde

Le peintre passe toute son enfance au Havre, une ville portuaire. La Manche, ce n’est pas la jolie mer. Mais l'ouverture sur l'espace maritime. Difficile de s'en passer. C'est une enfance difficile dans un cadre conflictuel exécrable. Trois mômes avec une maman qui bosse. Une mère débordée. A quinze ans, Bousquet fera une tentative de suicide. L'adolescent est complètement branché BD. C'est l'époque de Métal Hurlant, Pilote, A Suivre... Il se lie avec trois ou quatre dessinateurs guitaristes, dont un qui dessinait comme un dieu. ‘’La dernière fois que j'ai eu de ses nouvelles, il y a une dizaine d'années, il faisait de la BD porno’’. La peinture à l'huile viendra plus tard. Aujourd'hui à Vaiare, cette vie qui lui semble si lointaine, ce pourrait être celle d'un autre... Il donne des cours et la pratique de son art donne un sens à sa vie. Il fait ça parce qu'il ne peut pas faire autre chose. Dans l'emportement. 

Sur les hauteurs de Moorea

Le jeune Bousquet rêve de faire les beaux-arts mais ça ne fonctionne pas. Il réussit à avoir le bac. Il bosse deux ans, et puis part en voyage avec une copine. En 4L pendant huit mois autour de la méditerranée. Un grand voyage en Italie, en Grèce et puis jusqu'en Egypte. Les trois civilisations fondamentales dans l'histoire de l'art. Au retour il se met à peindre. A Nice il rencontre un peintre portugais avec un atelier spacieux dans un sous-sol, le tout éclairé au néon. Taraio avait une exposition prévue à la fin de l'année. Plus le temps passait, plus ça devenait angoissant : le cercle infernal. Taraio avait été formé à l'ancienne par un vieux maître portugais : ‘’Tu restais dans un coin de l'atelier à ranger le matériel et balayer les déchets. Et après on te mettait un peu sur une toile, sur les fonds. Ensuite seulement on te mettait sur les mains de l'ange et la robe de la madone’’. Bousquet dessinait très bien les mains et les pieds. Mais il y avait cette ambiance difficile avec le maître qui picolait... 
Parmi les proches du peintre, le sculpteur de Moorea Jonathan Mencarelli

Bousquet fréquente des artistes de l'île. Il s'est fait tatouer au peigne par Purotu. En échange il a donné des cours de peinture au tatoueur de Moorea.

Fin de journée

Bousquet réussit le concours de l'école normale et devient instituteur à Draguignan, dans le Haut-Var. Ça va durer 13 ans. Tranquillité financière, paye de fonctionnaire, Bousquet fait de la peinture mais pas pour exposer. Jeune papa, ça dure six ans comme ça. Fin de l’histoire, le couple divorce. A l'époque le jeune instituteur habite une ancienne poissonnerie dans un petit village de Provence aux rues étroites, Les Arcs. Un vieux commerce d'antan avec deux portes qui donnaient sur le trottoir. Une pièce carrelée ou il n'y avait pas de lumière du tout, presque une cave. Impossible de passer les premières grandes vacances seules avec son fils dans ce cadre. 

Jean-Luc Bousquet reçoit la visite du réalisateur Jean-Philippe Joaquim


Le jeune père et son fils s’envolent pour Tahiti. Ils ont droit au tour de l'île et séjournent dans une belle maison en bord de mer... L'angle de vue s'ouvrait à l'infini, de tous les côtés. Perception de l'impossible, de l'infini. ‘’Le grand attrait de ce pays, c'est l'immensité’’. 

Le grand attrait de ce pays, c'est l'immensité

Bousquet fait le plein de soleil. Il rencontre Géraldine, une jolie petite vahiné toute fine. Elle repart avec lui en France. Ça dure un an et demi et puis l’instituteur se met en disponibilité : c'est la nouvelle vie qui commence. Bousquet peint et prépare une exposition. Un an de travail. Il commence à travailler les fonds, et les trois derniers mois, les trois mois fatidiques, il s'acharne un peu dessus, et fait ressortir des trucs. Des trucs pas forcément clairs. 

Des trucs pas forcément clairs

Bousquet a suivi le chemin des crêtes jusqu'au moua puta, la montagne percée. Bousquet est revenu de son Odyssée de l'obscur. Il parle de l'épure. C'est tout le travail d'un artiste. Pas les fioritures. Pas le rococo. Pas les trucs baroques. La précision et la caresse du pinceau. De la méditerranée à l'Océanie, l'aigle de Prométhée est devenu l'apaisement, l'ange, la fin du calvaire. Ça ne se sera pas fait en un jour.

Portrait de Bousquet réalisé en 2014



Jonathan Bougard, texte publié en décembre 2014, archivé le 4 janvier 2024

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